Émotions et placements : Gérer votre portefeuille au milieu du chaos

Même les scénaristes hollywoodiens les plus acclamés n’auraient pas pu imaginer tous les drames auxquels les investisseurs font face aujourd’hui. Qu’il s’agisse d’un effondrement historique des marchés, de l’agitation suscitée par les élections américaines, de pays en guerre ou d’une panne informatique mondiale, on a l’impression qu’une décennie d’actualités s’est écoulée au cours des dernières semaines.

Avec tout ce qui se passe, vous vous sentez peut-être un peu dépassé. Au lieu de laisser les nouvelles tourbillonner dans votre tête, il est important de vous concentrer sur vos objectifs et de filtrer le bruit.

Naturellement, c’est plus facile à dire qu’à faire. Nous avons récemment connu des baisses record sur les marchés boursiers, « les gens sont très sensibles lorsqu’il s’agit d’argent », dit Michael Sherman, chef, Science du comportement à RBC. « Investir implique généralement de la discipline, de la patience et le respect d’un plan, mais l’être humain a évolué de telle sorte que lorsqu’il est confronté à un danger apparent, il réagit de manière impulsive ».

 M. Sherman, qui a conseillé des investisseurs, des conseillers et d’autres personnes sur la façon de ne pas se laisser piéger par le chaos, nous explique comment rester concentré sur les placements et la gestion de portefeuille lorsque ces réactions spontanées surviennent.

Restez humble

Dans des périodes comme celle-ci, beaucoup de gens se mettent à échafauder des scénarios dans leur tête – ou à voix haute autour de la fontaine à eau avec leurs collègues – sur ce qui pourrait arriver si les événements mondiaux évoluaient d’une manière ou d’une autre, explique M. Sherman. Il pense que les investisseurs ont également tendance à devenir trop optimistes à propos de leur opinion sur la tournure des événements et effectuent des opérations en conséquence. On peut toujours adopter des tactiques pour un portefeuille, mais il est risqué de se sentir trop sûr de ses connaissances et de sa capacité à prédire l’avenir.

« En tant qu’êtres humains, nous avons tendance à avoir une haute opinion de nous-mêmes, ce qui peut être dangereux », déclare M. Sherman. « Il est dans la nature de l’humain de croire que l’on peut comprendre le fonctionnement du marché, même si l’on dispose de peu d’informations. Il y a rarement un moment idéal pour effectuer une opération. Mais nous nous berçons d’illusions en pensant que nous sommes capables de prédire ce qui va se passer ».

Concentrez-vous sur ce qui compte le plus

Les êtres humains peuvent également avoir de la difficulté à prendre des décisions lorsqu’ils sont confrontés à un flot d’informations. C’est pourquoi, lorsqu’il s’agit de votre portefeuille, il est essentiel que vous vous concentriez sur ce qui compte le plus pour votre processus de placement.

« Il peut être bon d’apprendre une nouvelle ou de rechercher des informations, mais vous devez savoir comment filtrer les informations importantes », déclare M. Sherman.

Une partie du défi quant à notre capacité à prendre en compte l’information est liée à l’effet de récence, qui consiste à accorder plus d’importance à un événement qui vient de se produire ou à une question qui est au premier plan de nos préoccupations. Par exemple, il peut sembler qu’une semaine mouvementée sur la scène politique américaine devrait être un événement majeur pour les marchés, mais il est important de se rappeler que des facteurs plus fondamentaux, tels que la croissance des bénéfices, déterminent souvent les prix des actions.

Ne vous attardez pas sur une mauvaise journée

L’aversion pour les pertes est l’un des termes les plus répandus dans les sciences du comportement, et il s’applique ici aussi. M. Sherman affirme que les investisseurs ont tendance à ressentir les pertes deux fois plus que les gains. Autrement dit, si vous perdiez un billet de 20 $, vous ressentiriez deux unités de sentiments négatifs, soit la tristesse, la déception ou la culpabilité. Si vous trouviez 20 $ dans la rue, vous éprouveriez une unité de sentiment positif, qui pourrait être le bonheur, l’exaltation ou l’excitation. « Personne ne veut perdre. C’est pourquoi nos émotions se manifestent lorsque nous sommes sur le point de perdre quelque chose, par exemple lorsque nos placements vont à la dérive », explique-t-il.

Alors que les marchés boursiers ont progressé cette année, malgré la volatilité habituelle des marchés, le problème de l’aversion pour les pertes est qu’il est difficile de savoir quand elle peut frapper. Si les cours des actions chutent après une journée remplie de manchettes négatives, vous pourriez ressentir intensément ces pertes, même s’il ne s’agit que de fluctuations constantes du marché.

« Les gens ont tendance à agir de façon irrationnelle pour éviter les pertes », constate M. Sherman. « Donc, le gros problème avec le bruit du marché est que vous êtes constamment en alerte pour savoir ce qui se passe, mais vous ne comprendrez jamais vraiment toutes les variables qui influencent le marché. »

Restez concentré

Heureusement, les êtres humains peuvent rester attentifs même lorsqu’ils sont submergés par les sentiments et les émotions. La première étape consiste à créer un plan de placement si vous n’en avez pas déjà un, conseille M. Sherman. Il s’agit notamment de définir des lignes directrices sur la manière dont vous investissez. Par exemple, vous pouvez suivre des paramètres précis pour savoir si une action est à acheter ou à vendre, et si vous devez réévaluer votre plan en fonction du risque, de l’âge ou des événements de la vie; laissez ces points (et non vos émotions) déterminer vos actions.

Certains investisseurs acquièrent une philosophie de placement au fil du temps; ils peuvent se considérer comme des investisseurs en quête de valeur qui préfèrent détenir des titres de sociétés peu coûteuses ou des investisseurs en quête de croissance qui veulent détenir des actions de sociétés susceptibles de connaître une forte augmentation des bénéfices. D’autres peuvent adopter une approche préférentielle en matière de répartition de l’actif, par exemple en plaçant un pourcentage donné de leur argent dans certaines régions géographiques. Il est parfois nécessaire de réévaluer la situation en fonction de l’âge, des risques ou des événements de la vie, mais il ne faut pas s’écarter de sa ligne de conduite sous prétexte que l’on se sent dépassé. 

« Tenez compte de vos objectifs à long terme et gardez une vue d’ensemble plutôt que de réagir à vos émotions et au bruit », conclut M. Sherman.